Quand une image vaut mille mots générés par l’IA

Aujourd’hui j’aimerais partager une petite histoire qui, je l’espère, saura illustrer au sens propre et figuré un des enjeux sournois de l’utilisation à grande échelle de l’intelligence artificielle générative.

J’ai récemment commandé à un artiste numérique de créer une version “pixel art” d’une photo de moi que j’utilise dans ma vie professionnelle. J’ai toujours trouvé fascinant et amusant le style “pixel art” car à l’heure des écrans haute définition et des ordinateurs ultra rapides, le pixel art est une sorte de pied de nez à ces avancées technologiques (je vous invite à lire sur ce style d’art numérique ici sur Wikipedia). Aussi, le “pixel art” me rappelle le début des jeux vidéos et de mes débuts en informatique. De retour à ma petite histoire.

J’ai payé 120 $US à Gedeon Maheux, un designer travaillant pour Iconfactory, une entreprise de développement logiciels et de design graphique. Il a travaillé sur des dizaines de projets de conception graphique pour des jeux, des applications, des marques de commerce, etc. Il s’y connait. C’est un créateur, illustrateur, un vrai artiste quoi. Après deux petites semaines d’attente, j’ai reçu mon portrait pixelisé que je vous présente ici. Je suis content du résultat. La ressemblance est… frappante même si j’ai un air un peu « bande dessinée ». Je l’ai montré à un de mes fils. Sa réaction m’a stupéfait.

Moi: “Regarde, j’ai fait faire mon portrait en pixel art par un artiste, américain d’origine québécoise!, C’est pas mal hein?”

Lui: “Euh, vraiment? Tu as payé pour ça?”

Moi: “Oui, j’ai payé 120 $US.”

Lui: “Mais tu sais que tu aurais pu le faire toi même avec un logiciel comme Photoshop?”

Moi: “Euh, tu penses? Mais ici, le résultat est probablement bien meilleur et faire travailler un humain est plus satisfaisant pour moi.”

Lui: “Peut-être mais ça t’a coûté 120 $US!”.

Cette courte conversation reflète bien les défis de notre époque. J’ai décidé de tenter l’expérience en prenant ma photo pour la faire pixeliser dans un logiciel comparable, Pixelmator. Voici le résultat. Il m’aura fallu 5 minutes de mon temps, tout au plus.

Que puis-je conclure de ce résultat et de ma courte discussion avec mon fils de 21 ans? Tout d’abord, le résultat que j’ai obtenu avec le logiciel n’est pas très impressionnant. C’est le résultat d’un algorithme qui n’a aucune idée de ce que représente l’image de départ. La forme générale de mon visage est peut-être plus fidèle mais les détails essentiels sont perdus. C’est à peine si je peux reconnaître mes yeux.

Cet exemple illustre parfaitement ce qui arrive avec certains cas d’usage de l’intelligence artificielle générative dans des cas comme la rédaction ou la production de résumés. Il y a une perte d’information, de subtilité qui fait la différence. On perd les nuances. Et pourtant, plus que jamais, notre monde a besoin de toutes les nuances possibles.

Je veux illustrer un autre phénomène avec cette histoire: quel aurait été le résultat si j’avais fournis à l’artiste la version pixelisée de mon portrait? Il en aurait produit une version encore moins reconnaissable. L’idée ici n’est pas de tenter de revenir à la version de départ avec l’image pixelisée mais bien de se demander, à quoi vont ressembler les versions subséquentes. C’est exactement le même phénomène qui est en train de se produire devant nos yeux dans le contexte de l’entrainement des modèles à la base de l’IA générative.

Nous retrouvons une quantité de plus en plus grande de contenus issus de l’intelligence artificielle générative dans les réseaux sociaux, les sites de nouvelles, même au travail. Ce contenu sera à son tour, un jour ou l’autre, utilisé pour l’entrainement de nouveaux modèles. Vous me voyez venir là? Quand on fera une interrogation avec ChatGPT de ce contenu de plus en plus aseptisé, est-ce que vous devinez à quoi va ressembler les réponses quand ce cycle se produit à l’infinie, sans l’apport essentiel de la créativité humaine dans cette chaine alimentaire?

Il est là le noeud du problème avec l’utilisation aveugle de l’IA générative. Plus que jamais notre monde écrit sera un reflet plus que superficiel d’une réalité qui va finir par nous échapper si on dévalorise la création humaine.

Ce texte sera aussi publié sur LinkedIn.

PS, Iconfactory éprouve des difficultés depuis l’apparition de l’IA générative comme le mentionne l’un de ses employés sur Mastondon (lien).

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